Approche psychopunk de la résistance aux traitements qu’induit la psychiatrisation, récit de survivance, récit de perte de soi dans les méandres des traitements sociaux, culturels, professionnels, psychiatriques et personnels.
Est-il possible aujourd’hui ou hier ou encore demain, de devenir Sujet de son existence propre, d’être ou d’advenir enfin ce quelqu’un qui relèverait du soi et non plus de l’individu objectivé par des dispositifs de pouvoir qui enserrent, enferment et broient, geste après geste le petit quelqu’un de nous qui cherche à être juste lui-même ? C’est cette clinique du pouvoir qui s’exerce de l’extérieur qui nous forme chaque jour, nous dresse par de menus actes matériels successif en objet réifié d’un pouvoir qui impose une fabrique des individus normaux à même d’assurer la survie d’une espèce aussi transgénique que ses abeilles ou son maïs.
Le premier des dispositifs de pouvoir qui s’exerce, de savoir qui s’inspire, de savoir qui s’applique et de pouvoir qui s’exprime, c’est bien cette fameuse famille qui nous suit, nous poursuit. De la naissance à la mort un groupe de personne lié à nous de façon indéfectible se rappelle et nous rappelle sans cesse que nous lui appartenons en premier lieu. Si des rapports humains complexes se nouent, probablement que la famille reste et constitue la matrice de pouvoir biopolitique dirait Foucault la plus puissante encore aujourd’hui. Condamnés que nous sommes à rester enserrés dans ce petit réseau humain matricielle de l’origine qui nous pourchasse et nous lie à une assignation d’identité non désirée, totalement subie de la naissance à la mort, la famille reste l’axe premier du pouvoir biopolitique, du pouvoir sur la vie exercée dans ce monde, lui-même enchâssement de dispositifs disciplinaires à l’approche clinique et violente. Premier élément dans la chronologie d’une tentative irrépressible des dispositifs humains de contraindre l’autre à la soumission au pouvoir extérieur. Premier dresseur du petit individu déjà préparé à devenir objet des pouvoirs qui s’exercent, fabriqué petit être prêt à la clinique scolaire, prêt à dire non de toute ses forces à être sujet de sa propre existence, prêt à tout pour que ses congénères eux-mêmes préalablement dressés, ses parents, soient fier de leur objet du pouvoir la famille est l’espace pervers par excellence. Là où le sentiment, la manipulation affective font leur plein effet dans le régime biopolitique. Foyer de toutes les perversions, origine des psychoses adultes, la famille est l’espace pathogène par excellence du petit fou résistant en devenir. Contrainte effective, affective, contrainte matérielle, immatériellement irrémédiable pour celui qui ne sait s’en extirper. La famille est le premier pilier de la fabrique du non psychiatrisé, le premier volet essentiel de la trilogie école-caserne-cimetière, de la triade école-usine-prison ou encore du fabuleux triptyque école-entreprise-réussite.
Résistante aux traitements familiaux, la clinique scolaire non plus n’eu pas ma peau et je parvins à rester dans cet environnement de savoir apposé, formant et in-formant le petit être que sans consentement à la fabrique d’un petit travailleur de demain point de salut, point de récompense, point d’issue hors de cette soumission à ce dressage minutieux des gestes, des paroles et des postures du petit être en mouvement appelé à devenir objet docile d’un capitalisme au cycle véreux. Résister au traitement biopolitique n’est-il pas finalement la réussite dans ce combat qui se mène jour après jour, de ne pas laisser ce savoir clinique, créé lentement par sédimentation de sciences humaines analysant siècles après siècles le fonctionnement de l’être humain, de ne pas laisser ce pouvoir sur la vie agir par dressage clinique basé à l’évidence sur les sciences de l’homme, construire peu à peu cette fabrique de l’objet humain dressé et psychologiquement mutilé de son statut de sujet acteur de sa propre vie. Résistante biologiquement aux traitements de ces dispositifs de savoir et de pouvoir exercé sur le petit être humain, résistante à cet usage inhumain de l’être humain, à cette gouvernance de l’autre entravant toute gouvernementalité effective, me voilà petit être fou, petit sujet fou résistant,
cherchant à entraver cette clinique qui s’impose qui m’in-forme et tente de me créer petit objet normopathe du dispositif. C’est cette école de laquelle je suis rejetée une fois pour précocité, à 11 ans, une fois pour révolte inavérée, à 17 ans, qui me laissera le choix de réussir sans l’institution disciplinaire, sans l’exercice du pouvoir et juste l’accès à cette information brute, juste l’accès aux données et sans l’exercice de ce contrôle disciplinaire sur les corps, en me disant : « Si vous êtes si maline que ça, votre bac passez le par correspondance ! »
Et me voilà, en juillet 1998, avec un bac obtenu par correspondance, un an de salaire de baby-sitter et une petite vie de squatteuse chez les petits consommateurs de haschich de la jeunesse argentée parisienne. Pour une petite naissance dans la petite banlieue d’Aubervilliers à la maternité de la Roseraie. A 18 ans, me voilà sur le chemin du devenir soi, d’une éthique de l’existence que le pouvoir biopolitique contemporain ne cessera de tenter de casser. C’est peut-être cette tentative d’exercice d’un pouvoir et d’un savoir qui lui est associé qui explique qu’à ce moment, un choix délibéré de résistance aux traitements cliniques de l’institution scolaire et de l’institution familiale et le départ loin de ces deux dispositifs disciplinaires majeures par choix biologique de résister à leurs injonctions d’autorité. Les enserrements futurs promis par l’école parviennent à me convaincre que la vie par soi même, la liberté d’action et de micro-actions permettent peut-être d’advenir soi là où tous ont choisis d’advenir l’objet, le sujet normal, normalisé, usiné dans la fabrique des individus contemporains, de petits être qui ont admis que ce refus d’eux-mêmes, que ce contrat entre le déni de soi, le refus du Sujet constituait le prix à payer de la survie en société organisée par des dispositifs de pouvoir auxquels les savoirs sédimentés des sciences humaines ont légué des systèmes entiers de contraintes micro calculées qui tout en faisant perdre leur liberté d’action aux petits êtres humains insérés dans ces dispositifs où les savoirs successifs ont permis cette mise au point de techniques de contrôle des gestes humains et de création d’êtres vivants modelés selon la forme voulue dans un comportements préprogrammé, programmable et prévisibles et prévisionnels d’un environnement humain extérieur où le petit être ainsi fabriqué saura s’insérer et se modeler pour être utilisé dans le dispositif de pouvoir suivant. Peut-être par volonté ou par courage d’être moi, peut-être par refus de l’aveu d’une faute interne que je sais non à apposer à ma responsabilité personnelle mais à mon caractère d’être pensant et à même de créer sans forcément reproduire et résister biologiquement par la folie exprimée au désir de ce monde de m’enserrer dans une fabrique des individus normalisante et normalisatrice où toute capacité à créer s’avérait nié pour moi et pour les autres. Ce choix de rester dans la marge d’une société usinant des êtres amputés de leur liberté créatrice est restrospectivement celui d’un être résistant biologiquement et consciemment à des dispositifs de pouvoir désireux d’entraver l’être pensant créateur que j’étais devenu trop jeune.
Des années de pédagogies alternative des années 1970 avaient permis l’apparition d’un être agissant et pensant de façon autonome à 5 ans, en 1986, et tout un système de dressage des consciences s’est opposé d’un coup d’un seul à cette volonté créatrice et a tenté de l’enfermer dans une opposition à la conscience et aux actes à laquelle une résistance de fait s’est exprimée. Biologiquement, éthiquement, et consciemment inadapté à une agrégation de dispositifs de pouvoir qui par leur usage du savoir et des techniques qui y sont associées ont tenté de violer la liberté de pensée et d’action de la petite Agathe normale mais pas normalisable face à des institutions normopathisantes. Le déclic de la résistance biologique au traitement sociétal a peut-être débuté là pour prendre réellement forme humaine à l’âge adulte quand à 18 ans je fais ce choix de la vie en marge dans les petits marchés noirs des drogues parisiennes. Survivante d’un système réticulaire et organisé d’oppression dépouvoirisante et désenserrée de ce totalitarisme étatique qui tente de s’imposer sur les petits êtres pensant et agissants, je refuse d’avouer ma faute originelle de la pensance par soi pour soi et pour les autres et choisi de vivre en parallèle de cette usine à travailleurs de bois.
Survivante d’un système psychiatro-asilaire à ciel ouvert, biologiquement inadapté au biopouvoir s’exerçant sur les consciences, à l’isolement sans contention dans un environnement humain déraillant, la petite Agathe de 18 ans a choisi la vie et l’espace de la liberté de pensées quitte à vivre dans la marge du système oppressif refusé initialement. Résistante au traitement sociétal, à 21 ans il faut partir sur les routes pour la vie, la marginalité biologique commence à se déclarer. Voyage pathologique de quelques mois, de Bordeaux à Marseille, de Bruxelles à St-Nazaire, de Blois à Paris, dans une ambulance psy. Me voilà à présent intégrée au système pyschiatro-asilaire sans ciel ouvert : l’hôpital Maison Blanche de Neuilly-sur-marne.
Février 2001 : la petite résistante aux électrochocs de savoir et de pouvoir, fait une entrée sans fracas dans la résistance aux électrochocs du pouvoir psychiatrique en pleine hospitalité générale parisienne.
Le devenir sujet ou objet d’un dispositif psychiatrique qui se pose à moi, cette quête d’une liberté de pensée réelle et effective, devient violence psychologique de l’institution qui cherche à redresser l’être maléfique que je suis devenue par mon départ de la civilisation des travailleurs de bois. Le petit lutin s’est rebellé et le système psychiatro-asilaire du biopouvoir à ciel ouvert est bien décidé à le remettre dans ce droit chemin des petits travailleurs de bois où le petit lutin commence à faire trop de dégâts chez ses congénères destinés à faire perdurer cette usine internationale alimentée par la fabrique des normopathes locaux. Petit lutin éjecté de façon automatique par la fabrique des normopathes quitte d’emblée l’usine internationale psychiatro-asilaire et doit à présent bien faire, dire faux pour réintégrer ou quitter réellement l’usine où petit lutin a généré assez de sédition comme ça ! Mais petit lutin Agathe est bien décidé à rester loin de cette usine internationale et fera son chemin loin des petits travailleurs de bois dont la grande espérance de faire perdurer l’usine locale et internationale au péril même de leur bois natif et constitutif d’eux-mêmes, quitte à retrouver sur son chemin du hasard de la vie quelques petits travailleurs égarés dans les méandres de la pause syndicale de l’espérance des lendemains heureux loin de notre fabrique des normopathes de bois et loin de notre usine internationale où le petit lutin résistant à la normopathie ambiante arrive à suffisamment être lui même pour mettre quelques pansements sur les travailleurs de bois égarés sur le chemin de la marginalité choisie. La résistance au traitement biopolitique de la fabrique de travailleurs de bois, générerait-elle des lutins biologiquement inadaptés au fonctionnement de l’usine internationale « monde contemporain » qu’elle relèguerait dans un système de redressement des consciences de bois où les petits lutins marginaux seraient à même avec leur fabrique à pansements à les coller parfois sur les jambes de nos petits travailleurs de bois ? Mais l’usine internationale et la fabrique des travailleurs de bois n’ont pas dit leur dernier mot et cherchent encore à redresser petit lutin Agathe ! Et la voilà encore à travailler dans le numérique, dans le poker, dans les bibliothèques, à vivre de squats en hébergements libertaires de 2005 à 2015… C’est au cours de ces dix ans de chemin sinueux que des rencontres viendront affirmer deux nécessités : la compréhension de soi et du monde, l’écriture de soi et du monde et le besoin de comprendre les autres, leurs trajectoires de vie et l’urgence de dire vrai sur le caractère fou de soi-même. Assumer ma part de folie pour en faire un pouvoir sur les autres et les emmener à la rencontre d’eux-mêmes devient depuis 2015 ce qui fait de moi aujourd’hui une survivante de la psychiatrie et une réelle activiste en santé mentale, l’élément perturbateur du système qui le révèle à lui-même, ce qui fait que cette liberté offerte par la folie et son statut en Occident rendent possible la liberté de la pensée tant recherchée initialement et la réelle part de vie que je conserve pour redonner le pouvoir d’agir sur soi et sur les autres aux pairs mais aussi aux autres personnes non concernées par la psychiatrie et le système social et sanitaire. Quand on réalise à quel point on ne peut se changer que soi-même et partiellement les autres, il ne reste plus que des personnes aux trajectoires de vie qui valent ce qu’elles sont, et ce qu’elles ont fait dans un rapport entre leur action réelle et l’environnement humain qui s’est depuis toujours imposé à elles. Si la vie est une suite de choix, d’essai-erreur-apprentissage, la seule marge de progression est soi-même.
L’action sur l’environnement humain est la réelle marge de manœuvre que chacun ait pour changer réellement quelque chose dans ce monde. En devenant et en restant survivante de la psychiatrie, il s’agit de se changer soi pour parfois parvenir à changer quelque chose en les autres pour leur permettre d’advenir à eux-mêmes et marginalement changer les choses. Devenir sujet extirpé des dispositifs peu à peu me pousse à extraire ce qui chez d’autres bloquent cette extirpation et cette reprise de pouvoir sur eux-mêmes et sur les autres.
C’est dans ce sens que survivre à la psychiatrie peut rendre possible un mode de survivance de quelque chose qui serait de l’ordre de l’être humain affranchi au maximum des contraintes libre de redonner espoir et pouvoir d’agir à ceux qui les entourent. En ce sens rester survivante de la psychiatrie peut rendre possible une forme d’espoir qu’un autre environnement humain est possible. C’est la résistance aux traitements du biopouvoir qui me rendent aujourd’hui survivante d’une psychiatrie qui en croyant redresser des individus, forme des objets du pouvoir psychiatriques à peine à même de réintégrer les autres dispositifs de pouvoir de son système biopolitique et à jamais non-sujet de leur propre existence. A cette alternative de rester condamnée au statut d’objet du pouvoir psychiatrique, j’ai tenté la réintégration des autres dispositifs pour finalement rester survivante naviguant en direction de mon propre sujet de pouvoir, forgeant sa propre gouvernementalité par la retroaction entre la construction de moi en tant que Sujet recouvrant son pouvoir d’agir et la construction des autres en tant que Sujet en passe d’être dans le devenir soi constant nécessaire.
Finalement, la résistance au traitement du pouvoir biopolitique ne serait-elle pas la clé d’une subjectivation réussie, la seule voie pour devenir soi en considérant et acceptant réellement que la condition de marginalité désirée et non subie et le seul moyen de devenir soi et non un étranger à soi même.
Waouh ! Merci, Agathe, pour ce texte qui m’a énormément touchée !
Oh oui moi il a réveillé beaucoup de souffrances longtemps endomies
Oui la psychiatrie peut avoir un rôle à jouer mais dans l horizontale elle ne doit pas aliéner….. Que dire du psy dont la seule action est de prescrire ? Où est l humain ds tout ça…. Et oui empathie pas sympatie😇