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MEDIATICO – EDITOS

30 ans sans Europe sociale : l’heure de la renaissance ?

Nonobstant le sort de l’Ukraine, l’Europe existe encore. Olivia Grégoire et Nicolas Schmit sont-ils en train de réparer la fracture de Maastricht ? Peut-être. Toujours est-il qu’ils viennent de réunir, jeudi dernier à Bercy, sous présidence française de l’Union européenne, pas moins de vingt-trois ministres européens en charge de l’économie sociale. Leur objectif était de partager une volonté commune : « développer l’économie sociale afin de relever le défi climatique et créer des emplois à forte valeur ajoutée sociale ». Économie sociale et solidaire ? Transition écologique ? Insertion par l’emploi ? Parlez comme vous voulez. Eux disent « économie sociale » pour aplanir les disparités nationales. Mais les sujets sont les mêmes. Et c’est heureux.

Car les défis écologiques et sociaux n’ont pas de frontières, comme en témoignent les premières vidéos de Mediatico, filmée dès 2014 sur la scène d’Ashoka. On y voit l’Allemand Andreas Heinecke, fondateur de Dialogue in the Dark, qui développe notre tolérance face au handicap. Ou la Polonaise Barbara Sadowska qui invente un modèle social où les exclus peuvent s’épanouir. En Belgique, c’est aussi Marjan Gryson qui transforme en force l’agressivité des prisonniers, Arnoud Raskin qui déploie des Mobile Schools pour les enfants des rues, ou Ignace Schops qui rassemble financeurs publics et privés pour créer le premier parc naturel belge. Même chez notre riche voisin la Suisse, Christophe Dunand travaillait déjà sur l’insertion par l’emploi des personnes frappées par le chômage de longue durée.

Les défis sont donc européens. A Bercy donc, jeudi dernier, sept ministres en titre parmi les invités : Autriche, Chypre, Finlande, Irlande, Luxembourg, Lettonie, Roumanie. Et moult vice-ministres ou secrétaires d’Etat, au premier rang desquels Olivia Grégoire, initiatrice de cette réunion ministérielle organisée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Ont manqué à l’appel le Danemark, la Grèce, Malte, les Pays-Bas et la Suède. Ce sera pour la prochaine fois, espérons-le. L’Europe, elle, était dignement représentée par Nicolas Schmit, ancien ministre luxembourgeois du Travail et de l’Économie sociale et solidaire, devenu en 2019 Commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Insertion. Il nous a accordé une longue interview (ci-dessous), suite au plan d’action européen pour l’économie sociale qu’il a présenté en décembre.

Europe sociale, l’histoire déçue

Nicolas Schmit affirme à Mediatico son ambition de réveiller l’Europe en y conjuguant développement économique et social. Il entend d’abord définir le périmètre du secteur et faire reconnaître l’économie sociale auprès de chaque État. Puis avancer vers un label européen, peut-être inspiré de l’agrément ESUS à la française – cocorico –  si les États membres le souhaitent. Voilà qui faciliterait l’accès des acteurs de terrain aux subventions, aux marchés publics ou aux dispositifs fiscaux incitatifs. Il nous parle aussi de financements innovants pour l’économie sociale et de la nécessité d’harmoniser un jour la « mesure de l’impact social » en Europe, qui préoccupe autant les financeurs que les structures en quête de financements. L’heure est donc venue de prolonger l’Initiative sur l’entrepreneuriat social de Michel Barnier, en 2012. Et de structurer l’écosystème de l’économie sociale en Europe.

« Le plan d’action européen est un tournant fondamental pour l’économie sociale », nous confiait Nicolas Hazard, conseiller de Nicolas Schmit, la semaine dernière dans cette autre interview. Un tournant fondamental ? Assurément. Car les fondements de l’Europe sociale ont été attendus, promis, puis piétinés. Voilà juste trente ans, en 1992, le Traité de Maastricht comportait un protocole social, mais uniquement en annexe. En 2005, le Traité constitutionnel européen a été rejeté par référendum par les Français et les Néerlandais, qui l’ont jugé trop économique et pas assez social. En 2009, enfin, le Traité de Lisbonne a été ratifié par les parlements nationaux, sans solliciter la voix des peuples. La rupture était consommée.

Trente ans que les peuples réclament plus d’Europe sociale. L’heure est à la réparation. Olivia Grégoire et Nicolas Schmit sont peut-être en train de réparer la fracture de Maastricht.

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