Le plus grand magasin d’Emmaüs à Paris est à l’arrêt : 150 salariés confinés, portes fermées, clients absents, collectes interrompues, revente d’objets de seconde main inexistantes… Le vaste entrepôt de 1.200 mètres carrés d’Emmaüs Défi, situé dans le 19e arrondissement de Paris, a bien dû toute son activité d’économie circulaire entre parenthèses. Forcément… Mais pas sa mission sociale !
La toute première question a été de savoir s’il fallait maintenir la vente du samedi 14 mars, se rappelle Antoine Broto, directeur d’Emmaüs Défi, dans cette vidéo. C’était avant le confinement général. Mais après les premières alertes sérieuses. Or, l’entrepôt n’est ouvert au public et à la vente que deux jours par semaine. Le samedi est donc un jour crucial : il permet d’engranger environ 25.000 euros de recettes, qui viennent ensuite financer les actions sociales. « Mais nous avons des salariés à la santé fragile, nous avons donc choisi de fermer et de les renvoyer chez eux« .
Énormément de propositions de mécénat de compétences
Une seule activité a été maintenue, poursuit-il : celle de l’association L’Équipage, qui collecte de la nourriture et livre des repas pour des personnes à faible revenu, en collaboration avec le traiteur d’insertion Baluchon dans le cadre du projet Le Radis. Ces repas sont livrés aux associations Aurore, Atoll et Emmaüs Solidarité, qui les redistribuent ensuite aux bénéficiaires finaux. « Cette activité mobilise une dizaine de personnes, elle n’est pas rentable, précise Antoine Broto, mais elle est très importante pour notre dynamique d’équipe« .
Le confinement pose tout de même un problème sérieux à Emmaüs Défi : « Nous sommes un chantier d’insertion et nous nous appuyons pour cela sur le travail, très mobilisateur. Mais nos salariés en parcours d’insertion ne travaillent plus depuis mi-mars. Nous devons donc assurer la continuité de l’accompagnement à distance, par téléphone, pour éviter que certains retombent dans l’alcoolisme, pour poursuivre leur accompagnement logement, ou leur suivi santé. Quand l’activité va reprendre, nous voulons que tout le monde ait une santé correcte et une belle motivation« .
Chez Emmaüs Défi, le télétravail est une première. Et ça marche !
Quant à la trésorerie, elle est évidemment fragile. Emmaüs Défi existe depuis 2007 et l’association semble « très bien gérée« , mais elle n’a que un ou deux mois d’avance dans ses caisses. Or, il faut bien payer les charges fixes et avancer les salaires. Si le confinement dure au-delà du mois de mai, la situation va devenir très tendue.
La crise sanitaire invite donc Emmaüs Défi à repenser son modèle. D’ores et déjà Antoine Broto entrevoit quelques pistes intéressantes : « Nos partenaires ont réagi très positivement, nous avons tissé une vraie relation de confiance et de long terme avec eux et nous recevons énormément de propositions des entreprises pour du mécénat de compétences« . Impossible en ce moment d’aider Emmaüs Défi sur une activité de collecte ou de vente en magasin. Mais c’est tout à fait possible sur des missions marketing ou de communication.
Enfin, cette crise a réservé une bonne surprise. Parmi le personnel d’Emmaüs Défi, une large partie des fonctions support et des équipes de direction est en effet aujourd’hui en télétravail. Contrairement à d’autres associations, ici c’est une première. « Je suis très impressionné par la capacité des équipes à s’adapter, alors que nous n’y étions pas du tout préparés« , reconnaît Antoine Broto. Et ça marche ! Chez Emmaüs Défi, le télétravail va donc forcément se déployer davantage. Après la crise.