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Crise énergétique : 73% des associations employeuses exclues des aides d’État, que fait Marlène Schiappa ?

Voilà qui fait chaud au cœur en ce début d’hiver : les Restos du Cœur, la SPA et la Croix Rouge française sont les associations préférées des Français. Si, si, c’est ce que nous apprend le sondage Toluna-Harris Interactive tout juste commandé par le secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative. Aaahh, ces chers Français ! Ils sont tellement sympas qu’ils seraient même prêts, paraît-il, à s’engager « un jour » dans leurs associations préférées. Quand ? On ne sait pas. À quoi sert ce sondage ? On ne sait pas non plus. Car hormis le palmarès, les autres enseignements du sondage étaient déjà connus. Mais, j’y pense : construire un palmarès des associations, n’est-ce pas déjà les mettre en concurrence ?

En bonne VRP, la secrétaire d’État en charge de la Vie associative et de l’Économie sociale et solidaire, Marlène Schiappa, a fait le job : après avoir commandé ledit sondage, celle qui maîtrise à merveille les rouages de la com’ en assurait le service après-vente, sur Europe 1, ce lundi matin 5 décembre. Tiens, c’était la journée mondiale du bénévolat. Super timing ! 

En toute logique, l’interview démarre non pas sur le sondage, mais sur l’actualité : les futures coupures de courant, les écoles fermées, les trains annulés, les feux rouges en panne, la terreur du blackout… « Il n’y a pas lieu d’avoir un mouvement de panique », assure Marlène Schiappa sur Europe 1. « Si chacun d’entre-nous fait ces petits gestes, nous diminuerons de 10% la consommation conformément au plan du gouvernement et il n’y aura donc pas de coupures », a-t-elle assuré. Soyez sages et dormez tranquilles bonnes gens, le gouvernement veille. Pas étonnant d’entendre les reproches d’infantilisation des Français.

Surtout, et c’est très surprenant, pas un mot de Marlène Schiappa sur la flambée des prix de l’énergie pour les associations et les acteurs de l’économie sociale et solidaire, ni pour leurs bénéficiaires. Pas un mot pour les 12 millions de Français en situation précarité énergétique, comme nous rappelait le mois dernier le site de la Journée précarité énergétique. Pas un mot pour les associations comme le Secours Catholique qui leur portent assistance. Et pas un mot sur les dispositifs de soutien financier aux associations qui vont voir leur facture énergétique exploser, tout comme les industriels ou les boulangers. 

Car, sachez-le, les contrats de fourniture d’énergie des associations sont les mêmes que ceux des entreprises. Le gouvernement, après leur avoir supprimé les emplois aidés, après les avoir mises en première ligne durant le Covid, après les avoir défiées par un contrat d’engagement républicain qui doute de leur engagement pour l’intérêt général, voilà que ce gouvernement laisse s’ériger devant elles sans réagir le mur de la crise énergétique, qui va menacer leur trésorerie à court terme au moment où elles traversent déjà une profonde crise du bénévolat. Et sans un mot de soutien de Marlène Schiappa ? Entre le gouvernement et le monde associatif, rien ne va plus.

Alors les voix s’élèvent dans le monde associatif. Simon Thirot, secrétaire général du Mouvement associatif et membre du Haut Conseil à la Vie Associative placé auprès de la Première ministre, demandait récemment dans Le Figaro un accès «non discriminant» des associations aux aides énergétiques de l’État. En effet, l’État vient de mettre en place un « amortisseur électricité », rappelle Le Monde, dont le mécanisme est très simple : pas de demande spéciale à faire, l’aide sera directement intégrée à la facture d’électricité, nous apprend la Gazette des Communes. Et ce dispositif est (presque) général : il s’adresse aux TPE qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, aux PME, aux collectivités territoriales, aux établissements publics comme les universités ou les hôpitaux, ainsi qu’aux associations… de plus de dix salariés ! 

Sauf que sur 140.000 associations employeuses en France, 73% emploient moins de 10 salariés, nous rappelle Recherches & Solidarités dans la 20e édition de « La France associative en mouvement ». Alors pourquoi n’aider que les plus grandes et oublier de regarder les plus fragiles ? 

Chauffer son local, préparer des repas collectifs, stocker l’aide alimentaire en chambre froide, faire le plein d’un véhicule à essence… Dans leur budget annuel, les dépenses énergétiques des petites associations ne pèsent proportionnellement pas moins que dans les grandes associations. Voilà pourquoi Simon Thirot demande « que le statut associatif ne soit pas discriminant » et ouvre droit aux mêmes aides que celles prévues pour les TPE-PME. 

Il est surprenant que cette demande émane d’un membre du Haut Conseil à la Vie Associative, instance placée auprès de la Première ministre, quand la secrétaire d’État à la Vie associative elle-même, qui se targue justement de parler à l’oreille de la Première ministre, n’en dit mot. 

Voilà deux ans, en pleine crise du Covid, sa prédécesseuse Olivia Grégoire s’était battue à Bercy pour que les associations et tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire obtiennent les mêmes aides d’État que les entreprises. Il est temps de reproduire cette prouesse.

Au-delà des mots, de la communication et des sondages, c’est bien de la prise de décision et de l’action politique dont le secteur associatif a besoin. Marlène Schiappa, le secteur vous attend.


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