3 questions à Patrick Viallanex
Directeur associé, cabinet de conseil A2 Consulting
Les investisseurs sont-ils confrontés à la question des droits fondamentaux ?
Les investisseurs sont soumis à la répercussion des risques des entreprises qui sont présentes dans leur portefeuille d’actifs. Il peut s’agir des droits fondamentaux, comme le travail forcé, ou bien de problématiques environnementales. Ces risques peuvent être d’ordre opérationnel (rupture de la chaine d’approvisionnement), juridique (sanction financière), de réputation, mais aussi d’ordre économique comme ce fut le cas pour Nike dans les années 90 : la marque avait connu une chute de sa clientèle suite à l’émergence de photos d’enfants pakistanais travaillant à la confection de ballons. L’investisseur, lui, est d’autant plus concerné qu’il amplifie les risques par ses investissements. A l’inverse, s’il désinvestit, il exerce une pression baissière sur ces risques.
La sous-traitance internationale amplifie-t-elle la nature de ces risques ?
Selon les secteurs d’activité, 7% à 90% des risques environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) viennent de la chaine d’approvisionnement. La plupart des investisseurs n’ont pas conscience de cet enjeu fondamental. Certains cas médiatisés ont mis en avant l’absence de procédures pour gérer ces risques. Prenons l’exemple du sous-traitant chinois Foxconn, qui travaille pour de gros fournisseurs de téléphones comme Apple. Épinglé en 2010 par l’ONG Sacom, Foxconn présentait de graves atteintes aux droits fondamentaux : punitions, harcèlements, management «militaire» et «inhumain». Apple a été incapable de gérer ces risques. Pour sa part, Renault a été pointé du doigt par Amnesty International en 2017, car l’un de ses sous-traitants en RDC faisait travailler des enfants dans les mines de cobalt. Ces controverses ne sont pas près de s’arrêter.
Comment faites-vous pour aider les investisseurs à avancer ?
A2 Consulting vient d’éditer, avec le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR), un guide intitulé « Chaine d’approvisionnement et investissement responsable : maîtriser les risques ». Nous sommes partis d’un constat grave, celui de l’immaturité des investisseurs et des entreprises. Ces dernières ont montré leur incapacité à gérer les controverses, même si elles ont mis en place des procédures de gestion des risques en amont. Du côté des investisseurs, la majorité n’appréhende pas ces sujets dans leurs propres procédures, ce qui paraît inconcevable. Avec ce guide, notre objectif est de donner «une boîte à outils» aux investisseurs, en émettant des recommandations de méthodes. D’autant que le cadre réglementaire, avec la loi sur le devoir de vigilance, est de plus en plus dur.