À la veille du premier tour de l’élection présidentielle, autant en avoir le cœur net : Emmanuel Macron n’est pas réconcilié avec le monde associatif, bien au contraire. Son quinquennat avait démarré avec la suppression des anciens contrats aidés, il se termine par un essorage en règle des nouveaux contrats aidés qu’il a lui-même mis en place. Le Collectif des associations citoyennes s’alarme, il parlait la semaine dernière d’une « nouvelle fragilisation brutale du travail associatif ». Voilà qui dit beaucoup de la vision du candidat Macron et de son manque de considération pour nos 170.000 associations employeuses.
En 2017, déjà, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe était venu aux Grands Voisins justifier la diminution drastique du budget de l’État alloué aux contrats aidés CUI-CAE : 200.000 venaient d’être budgétés pour 2018, contre 320.000 en 2017, et 450.000 en 2016. Explication, « le recours aux contrats aidés a été trop massif » et « leur efficacité rapportée aux coûts n’est pas toujours probante », assurait alors le Premier ministre dans cette vidéo de Mediatico. Selon lui, l’accompagnement des salariés fragiles n’était pas suffisant et ne garantissait pas leur retour durable dans l’emploi.
Contrats PEC : la prise en charge de 60% ramenée à 45%
Ainsi donc est venue l’idée de tout changer. Et de créer… de nouveaux contrats aidés PEC (Parcours Emploi Compétences). A une échelle bien moindre, puisque seuls 67.000 contrats PEC sont financés pour l’année 2022. Or, les associations employeuses qui sont parvenues à en bénéficier tombent aujourd’hui des nues : en Ile-de-France, elles découvrent un arrêté du 22 février 2022 qui freine tous les renouvellements de contrats : la prorogation est limitée à 6 mois (contre 24 mois dans l’arrêté de 2021). Renouvellement inclus, la durée totale des contrats ne peut plus dépasser 16 mois, ce qui « vide de tout son sens la démarche d’insertion attachée à ces contrats », souligne le Collectif des associations citoyennes.
Quant à l’aspect financier, c’est le coup de massue : la prise en charge financière de l’État pour ces contrats aidés est désormais limitée à 45%, alors qu’elle était jusque-là de 60% dans la plupart des cas. Les associations employeuses découvrent donc, sans prévenir, que le volet recettes de leur modèle économique est subitement mis en péril, une nouvelle fois, par une décision arbitraire intervenue en début d’année et sans concertation préalable. Le Collectif des associations citoyennes voit là une « maltraitance institutionnelle qui fragilise le tissu associatif déjà mis à mal par la crise sanitaire (…) alors même que ce sont ces associations de solidarité qui ont servi d’amortisseur aux conséquences de la pandémie ».
À la ressourcerie parisienne La Petite Rockette, ce sont 15 emplois qui sont menacés, s’alarme la direction, qui appelle à une mobilisation ce soir à 18h dans ses locaux pour croiser les informations et les analyses de chacun. Cette ressourcerie est membre du réseau francilien des acteurs du réemploi (Refer), dans lequel 17 structures au total anticipent la disparition subite de 275.000 euros de budget et donc de 62 postes, au point de mettre en péril toute leur activité !
Les crédits associatifs rebasculés vers les entreprises d’insertion
J’interrogeais cette semaine un acteur francilien de l’insertion par l’activité économique, pour savoir s’il serait touché par cette mesure. Au contraire, me disait-il : « Durant ce quinquennat, les budgets affectés à l’insertion ont quasiment triplé. Mais surtout au bénéfice des entreprises d’insertion (EI) qui, en tant qu’entreprises, n’assurent pas du tout le même suivi des salariés fragilisés que nos associations ou nos chantiers d’insertion (ACI) ». Hier, lors des 20 ans de la Fondation Vinci, le directeur général adjoint de Vinci, Pierre Coppey, confirmait à la tribune : « Il y a eu des efforts sans précédent durant ce quinquennat sur le financement de la politique d’insertion : nous avons eu autant de financements publics que nécessaire, sous l’impulsion de Thibaut Guilluy ». En résumé, Emmanuel Macron a déshabillé Paul pour habiller Pierre. Il a retiré des crédits à l’emploi affectés aux associations pour les rediriger vers le secteur très spécifique de l’insertion.
Dans notre dernier talk-show « Ess On Air », Mediatico recevait Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif. Elle avait mis en cause « la qualité du dialogue et de la confiance » durant ce quinquennat et appelait de ses vœux un nouveau partenariat entre le gouvernement et les associations, ainsi qu’une véritable politique de la vie associative et une reconnaissance au sein du gouvernement (revoir cette édition de « Ess On Air »). Il ne semble pas hélas, que le candidat Macron en prenne le chemin.
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