3 questions à Didier Goubert
ATD Quart Monde
Quelle est votre analyse du rapport de la Cour des Comptes sur l’insertion ?
Ce rapport cite le projet « Territoire zéro chômeur de longue durée », qu’ATD Quart Monde a décidé d’expérimenter car nous constatons que l’insertion par l’activité économique n’insère pas assez de personnes, et surtout pas de manière assez durable. Mais nous ne sommes pas d’accord avec l’analyse du rapport : pour nous, l’accompagnement ne doit pas se faire dans l’entreprise, ce n’est pas son rôle. De plus, nous demandons au gouvernement de ne pas aller trop vite avec ce projet « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Plusieurs territoires en expérimentation sont encore loin de l’objectif et nous voulons prendre le temps pour que l’insertion soit totale : nous ne voulons pas atteindre 70% d’insertion, mais bien 100%.
Comment fonctionne le dispositif « Territoire zéro chomeur de longue durée » ?
Aujourd’hui, si vous n’avez pas d’emploi, vous êtes exclu de la société. « Territoire zéro chômeur de longue durée », c’est un projet de territoire dans lequel les habitants, les acteurs économiques, publics et associatifs s’engagent ensemble pour résoudre ce problème. Dans ces territoires, tous les chômeurs de longue durée doivent être identifiés. Il faut les rencontrer et leur proposer un emploi en accord avec leurs compétences et leurs envies, en CDI et au SMIC, dans une entreprise du territoire. Ces emplois sont co-financés par l’Etat, car une personne au chômage de longue durée coûte en moyenne 15.000 euros par an à la société, d’après les estimations d’ATD. Or, quand elle travaille, ce coût disparaît. Nous avons donc montré à l’Etat les économies réalisées et nous lui avons demandé de réinjecter cet argent dans l’entreprise qui va les embaucher. L’Etat versait ainsi 18.000 euros par poste et par an jusqu’à cette année. Malheureusement, nous apprenons que ce montant va diminuer, mettant en difficulté plusieurs territoires.
Pourquoi l’expérimentation doit-elle se faire sur un territoire bien défini ?
Nous ne devons pas abîmer les emplois existants, nous ne devons pas nuire à l’activité de commerçants ou d’artisans en créant de nouvelles activités pour les chômeurs de longue durée. Le territoire doit être suffisamment petit pour que les personnes se connaissaient ou qu’elles aient le sentiment d’un avenir en commun. Les dix territoires qui ont démarré l’expérimentation comptent entre 3.000 et 11.000 habitants : un quartier dans une ville, une commune dans une zone rurale, au maximum une communauté de communes. Cela fonctionne quand l’ensemble du territoire se mobilise et crée une dynamique locale. Trois des territoires qui expérimentent, Pipriac (Ile-et-Vilaine), Mauleon (Deux-Sèvres) et Jouques (Bouches-du-Rhône), sont d’ailleurs sur le point d’avoir salarié tous les chômeurs de longue durée !
Propos recueillis par Juliette Loiseau