Notre patrimoine part en fumée. Oui, la flèche de la cathédrale Notre-Dame s’est effondrée ! Impensable… Et pourtant ! Lorsque le cœur de la France s’est enflammé, celui des Français s’est emballé. Leur générosité pour reconstruire ce joyau médiéval national ne fait aucun doute : la collecte de la Fondation du Patrimoine sera un succès. Chacun contribuera, selon son émotion. Est-ce là un critère d’équité ? Assurément non. Dans ce cas, quelle part de la résurrection de Notre-Dame l’Etat prendra-t-il à sa charge ? Et comment financera-t-il la reconstruction de cet indiscutable bien commun ? Par l’impôt, bien sûr.
On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif et Edouard Philippe n’a pas soif d’impôt, on l’aura compris. Après avoir entendu les Français exprimer « un immense besoin de justice sociale et d’équité » durant le grand débat national, le Premier ministre en a tiré une drôle de conclusion : « Baisser les impôts, et plus vite » ! Comme si l’impôt était injuste, en soi. Comme s’il était inéquitable, par nature. Comme si la fiscalité était une malédiction tombée du ciel, alors qu’elle n’est qu’un instrument au service des politiques publiques. La question est donc : de quelles politiques publiques Edouard Philippe a-t-il vraiment soif ?
L’allégation du Premier ministre laisse aussi croire que l’impôt est à son maximum, alors qu’il n’en est rien. En 1983, notre système fiscal comptait 14 tranches d’impôt, dont une tranche maximale imposée à 65%. François Mitterrand les a ramenées à 7 tranches en 1994. Puis Jacques Chirac a fait tomber la tranche supérieure sous les 50% en 2006, pour que l’impôt cesse d’être « confiscatoire ». Nicolas Sarkozy a réduit l’année suivante le dispositif à seulement 5 tranches, dont une tranche maximale imposée à 40%. Enfin, François Hollande a timidement inversé la tendance en 2014, revenant à 6 tranches, dont un taux supérieur imposé à 45%. Soyons clair : plus le taux d’imposition est faible, moins la redistribution de richesses fonctionne. De plus, moins on compte de tranches d’impôt, moins la progressivité – donc l’équité fiscale – sont garanties. Cessons donc de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
A dire vrai, le débat sur la fiscalité est malaisé, car il biaisé. Il est toujours empreint d’idéologie politique, tantôt libérale ou tantôt keynésienne, de droite ou de gauche, axée sur l’offre ou bien sur la demande. Le pire, c’est que les idéologues arguent d’une prétendue complexité de l’économie pour infantiliser les citoyens. Pourtant, que diable, l’argent, c’est simple : il entre ici, il ressort par là. C’est juste un instrument d’échange. Ni plus ni moins. Mais pour que l’impôt soit équitable, l’échange doit être équilibré.
Écoutez les Français : ils ne demandent pas « moins d’impôt », mais « mieux d’impôt ». Ils en veulent pour leur argent et ils réclament un bon retour sur investissement fiscal ! Pour en prendre la mesure, ils se sont choisi un mètre-étalon. A savoir des services publics de qualité sur l’ensemble du territoire national, financés par définition par l’impôt. Une pensée pour les urgentistes, les enseignants, les cheminots, les facteurs, les policiers, entre autres. Mais aussi pour les pompiers. Et pour les gardiens de notre patrimoine architectural, historique et médiéval.