Qui de plus clivant que Marlène Schiappa ? 7.000 fans sur TikTok, moultes débats télé gouailleurs, des États généraux de la laïcité risqués en 2021, un ovni en politique pour les uns, le moteur à explosion du gouvernement pour les autres… L’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations revient au gouvernement : c’est elle qui représentera désormais l’ESS auprès de la Première ministre, Élisabeth Borne. Bonne nouvelle ? Pas sûr. Car Marlène Schiappa ne fait pas dans la demi-mesure. Par conséquent, elle ne fait jamais couler d’eau tiède : on l’aime, ou on la déteste. L’économie sociale et solidaire parviendra-t-elle à l’apprivoiser ? Ce sera là son grand défi.
Macroniste de la première heure, nommée lundi secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Marlène Schiappa succède donc à Olivia Grégoire. Celle-ci, ex-secrétaire d’État, ex-porte-parole du gouvernement, a été nommée ministre déléguée – une promotion – en charge des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme. Retour à Bercy, donc. Nul doute que celle qui avait su nouer un dialogue de confiance avec les entrepreneurs de l’ESS durant la crise Covid saura y faire avec les dirigeants de PME : « La première préoccupation des chefs d’entreprises, ce n’est pas de faire du profit : c’est de savoir comment ils vont payer les salaires à la fin du mois », déclarait-elle à Mediatico voilà juste un an (retrouvez ici son portrait long format sur Mediatico, ou notre émission spéciale face à la crise du Covid).
Marlène Schiappa est « proche d’Olivia Grégoire, qu’elle connaît très bien », affirme son entourage à Mediatico. Premier point commun : leur franc parler, sans doute. Pour autant, Marlène Schiappa n’a pas l’expérience de la création d’entreprise, comme Olivia Grégoire. Ni la même appétence pour l’économie, au vu de son parcours. Voilà qui tombe bien : elle ne dépendra pas de Bercy, mais directement de la Première ministre. Parviendra-t-elle seulement à parler à l’oreille d’Élisabeth Borne, ou sera-t-elle noyée dans l’océan d’urgences de Matignon ? C’est à voir. En attendant, les grands réseaux de l’ESS adressent poliment leur salut républicain à la nouvelle ministre. Mais ils regrettent déjà son manque d’ancrage à Bercy.
« Son rattachement auprès de la Première ministre reconnaît le caractère transversal de l’ESS », réagit sur Twitter Jérôme Saddier, président d’ESS France, mais « les attentes des acteurs de l’ESS porteront d’abord sur l’amplification des efforts à faire pour être fortement soutenus comme des acteurs économiques incontournables sur les territoires (…) Les acquis du passage à Bercy ne doivent pas être perdus : nous sommes des acteurs économiques. L’État doit soutenir notre développement au même titre que les autres secteurs ».
Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale (UDES), ne dit pas autre chose : « Le positionnement transversal de l’ESS au sein du gouvernement ne doit pas obérer l’importance pour le secteur d’avoir un relais permanent avec le ministère de l’Économie au regard de sa contribution au PIB de la France et au développement économique des territoires ». Rattaché depuis 2015 à Bercy, le secteur de l’ESS a en effet bénéficié d’un soutien récurrent à son développement économique, via le Plan de relance et les mesures de soutien liées au Covid-19.
Quant à Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, elle déplace le curseur sur le terrain de la confiance : « La présence explicite de la vie associative dans l’architecture gouvernementale et son rattachement à la Première ministre sont une très bonne nouvelle », assure-t-elle. Mais « le Mouvement associatif restera un interlocuteur mobilisé, exigeant et constructif pour le quinquennat qui commence, avec des propositions fortes ». Et pour cause : Marlène Schiappa avait parrainé à Beauvais, le 10 janvier dernier, la première signature du contrat d’engagement républicain pour les associations. Un dispositif destiné à contrôler les associations pour éviter les dérives séparatistes… que l’ensemble du secteur associatif avait reçu comme un grossier manque de confiance, voire une gifle cinglante au regard de son engagement quotidien pour la citoyenneté et les valeurs républicaines.
Rangez vos critiques, répètent néanmoins ses soutiens. « Elle vient du monde associatif et de la société civile, elle a fondé le réseau de femmes “Maman Travaille”, c’est une militante, elle aime les gens et faire bouger les lignes », m’assure l’une de ses proches. Il paraît même qu’elle a grandi dans mon quartier et fréquenté le collège de mes enfants, c’est dire ! A peine nommée ce lundi, ses premières prises de parole ont porté sur la féminisation du pouvoir politique et sur la performance extra-financière des entreprises. Sans oublier son hommage au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de la passation de pouvoirs.
Alors on l’aime, ou on la déteste ? Clivante, je vous dis !
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