Après la banane, le chocolat ou le café, place au thé ! L’association Commerce Équitable France a réuni fin septembre quarante acteurs du secteur du thé au Jardin d’Agronomie Tropical du bois de Vincennes, à Paris, pour une annonce importante : la création de Solidari’thé, le premier programme multi-acteurs en France dédié à la filière du thé, qui s’accompagne du lancement du Club Durabili’thé, un espace de dialogue et d’engagement pour renforcer la durabilité de cette filière souvent éclipsée par le café ou le cacao.
Car si le thé est la deuxième boisson la plus consommée au monde après l’eau, la filière fait face à des défis sociaux et environnementaux considérables. Derrière les arômes apaisants et les promesses de bien-être vendus dans les rayons, la réalité est bien différente. Près de 13 millions de travailleurs et petits producteurs de thé vivent sous le seuil de pauvreté, en particulier dans les grandes plantations, où les violations des droits humains, comme le harcèlement sexuel des cueilleuses, sont courantes.
Sur le plan environnemental, les changements climatiques et les modes de production monoculturale fragilisent cette culture. La déforestation, la perte de biodiversité et l’érosion des sols, exacerbées par l’allongement des périodes de sécheresse et les inondations, réduisent la capacité de résilience des plantations face aux crises climatiques.
Trois projets inspirants pour une filière plus durable
Face à ces constats, certaines PME françaises prennent le contrepied des multinationales. Elles s’engagent à soutenir les petits producteurs en leur garantissant des prix plus rémunérateurs et en accompagnant la transition vers des modes de production biologiques et agroforestiers. Sabita Banerji, directrice de l’ONG THIRST, a souligné que « le futur de l’industrie du thé repose très certainement sur les petits producteurs organisés collectivement », un modèle plus efficace pour défendre les droits humains que celui des grandes plantations.
Lors de l’événement de lancement, trois initiatives exemplaires ont été mises en lumière, illustrant les modèles émergents d’un thé équitable et durable.
1. Le projet Eco Lanka, de Guayapi, au Sri Lanka : ce projet a transformé une monoculture de thé en un jardin-forêt riche en biodiversité. Grâce à la régénération écologique, plus de 115 espèces d’oiseaux et 250 variétés de plantes cohabitent désormais dans cette plantation. Ce projet associe la production de thé biologique et l’écotourisme pour valoriser les efforts de préservation.
2. Le projet d’Ethiquable au Laos, en partenariat avec l’ONG Gret, qui soutient 210 familles de producteurs de thé. Ces thés agroforestiers, produits dans des jardins traditionnels sous ombrage, sont exportés grâce à des contrats équitables avec Ethiquable. Ce modèle garantit un prix supérieur de 16 % au marché, sécurisé avant les récoltes, permettant aux producteurs d’investir dans leurs exploitations.
3. La transition agroécologique autour du parc de Kibale, en Ouganda, menée par Nitidae et les Jardins de Gaïa. Ce projet vise à réduire l’utilisation de pesticides, responsables de la dégradation de la biodiversité, notamment des populations de chimpanzés. L’accompagnement des producteurs locaux vers des pratiques agroécologiques s’inscrit dans une logique de marché plus juste.
Solidari’thé et le Club Durabili’thé : une vision d’avenir pour la filière
Commerce Équitable France ambitionne de faire du Club Durabili’thé un espace ouvert à tous les acteurs du secteur pour y proposer des webinaires, des rencontres et des échanges d’expertise afin de mieux comprendre et répondre aux défis de la filière.
Solidari’thé, pour sa part, repose sur trois axes : sensibiliser le public aux enjeux sociaux et environnementaux du thé, identifier les leviers de transition et créer un écosystème d’entreprises engagées pour un thé plus durable.
Pour Julie Stoll, déléguée générale de Commerce Équitable France, « la réussite de cette démarche repose sur l’engagement des entreprises à garantir un prix rémunérateur, à maintenir un lien direct avec les producteurs et à soutenir les transitions vers des modes de production régénératifs ».
Alors que le thé est un produit du quotidien pour deux Français sur trois, il est essentiel de s’assurer que derrière chaque tasse, les producteurs soient rémunérés à leur juste valeur et que l’environnement soit préservé. Le Club Durabili’thé s’affirme ainsi comme une étape importante pour faire émerger une filière du thé plus juste et plus respectueuse des écosystèmes.