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Tiers-lieux et foncières solidaires, du rêve à la réalité

Inclusion, solidarité, travail collectif… Chaque tiers-lieu est porteur de rêves, du désir de transformer la ville, voire parfois de changer la vie, rien que ça ! Beaucoup sont éphémères et la notion d’urbanisme transitoire fait gentiment son chemin. Mais certains tiers-lieux sont déjà pérennes… ou s’imaginent comme tels. Jusqu’à être parfois rattrapés par le mur de l’argent !

De quels rêves les tiers-lieux sont-ils porteurs ? Comment dépasser le mur de l’argent pour les réaliser ? Quelles solutions proposent les foncières solidaires ? Réponse dans cette émission avec nos invités :


A Césure, nouveau tiers-lieu parisien géré par Plateau Urbain, l’équipe de Mediatico a profité de l’inauguration du média coopératif Le Moment pour se poser quelques questions. Quelle relation entre les projets de tiers-lieux et les rêves qui les habitent d’une part, et la complexité à s’inscrire dans des schémas économiques qui rattrapent trop vite nos rêves d’autre part ? Pas facile de joindre les deux bouts. Mais certains parviennent à s’affranchir des contingences économiques, à inventer de nouvelles solutions, des concepts d’urbanisme transitoire ou des projets de foncières solidaires. Mais commençons par les rêves…

Kiléma signifie « handicap » en malgache. Cécile Arnoult nourrit ce rêve depuis la naissance de sa fille, porteuse d’une trisomie 21. Et à ce jour, le projet Kiléma est triple : il inclut une maison d’édition, un fonds de dotation et un tiers-lieu axé sur la culture, l’inclusion et le handicap. Dans l’objectif, ambitieux, de parvenir à créer peut-être un jour un « handi-quartier ».

Cécile Arnoult, Kiléma : « Notre tiers-lieu serait géré par des personnes en situation de handicap intellectuel, dans l’objectif de donner de l’emploi en milieu ordinaire aux personnes handicapées, mais aussi de leur donner un lieu de sociabilisation car le problème relève surtout de leur accès au lien social. Nous voulons donc un lieu ouvert sur la cité, qui pourrait prendre la forme de petits bâtiments accolés les uns aux autres, afin de créer un « handi-quartier ».« 

En attendant, d’autres rêves sont devenus réalité, au moins pour un temps. Suzanne Laquerre raconte l’ouverture du tiers-lieu parisien Les Amarras, en octobre 2020, sur le quai d’Austerlitz, entre le ministère des Finances et la Cité de la Mode. Ce lieu intègre deux services d’accueil de jour gérés par l’association Aurore, l’un pour les hommes isolés, l’autre pour des familles ou des femmes isolées. Pas moins de 400 personnes y sont accueillies chaque jour, mais ne peuvent pas y dormir.

Suzanne Laquerre, Yes We Camp : « Les Amarres permettent d’offrir des premiers soins aux personnes en grande précarité, de se laver, de laver ses vêtements et de bénéficier d’un accompagnement social pour trouver un logement ou un projet professionnel. C’est un tiers-lieu où interviennent une vingtaine de structures professionnelles du travail social. Chez Yes We Camp, nous avons été appelés pour développer des activités et une programmation autour des question de justice sociale. Nous y avons lancé récemment une radio en ligne, la radio Tintamarres.« 

Dans les tiers-lieux, les rêves foisonnent. Depuis 10 ans, Plateau Urbain a ouvert 49 tiers-lieux en France, dont 21 sont actifs actuellement, indique Simon Laisney dans notre émission. Le rêve de Plateau Urbain, selon son co-fondateur, c’est que les temps qui n’étaient pas valorisés jusqu’ici dans l’occupation de la ville soient systématisés, comme le temps de l’avant-projet. Et que cela devienne une habitude, même dans le secteur privé. Pour autant, chaque bâtiment, chaque projet, même temporaire, comporte des spécificités qui orientent différemment les rêves des occupants.

Simon Laisney, Plateau Urbain : « La typologie des bâtiment oriente ce qu’il est possible de faire. Si l’on est sur un bâtiment industriel, on attire des artisans ou des activités de construction. Si l’on est sur des bâtiments tertiaires, on aura des activités plus servicielles. Donc les rêves peuvent changer. Le rêve commun, pour Plateau Urbain, c’est d’avoir une mixité d’activités, avec des rencontres entre des professions différentes qui trouvent un objet commun. Pour porter, par exemple, la création un média coopératif ».

La bonne nouvelle, c’est que si le mur de l’argent peut freiner les rêves les plus fous, il n’est pas infranchissable. Sébastien de Hulster est co-fondateur de Bellevilles, une société foncière qui intervient principalement en Ile-de-France, en Occitanie et dans l’Arc méditerranéen. Une société foncière, dites-vous, qui achète de l’immobilier pour le remettre en location ? Oui, mais une société foncière responsable !

Sébastien de Hulster, Bellevilles : « Dans notre foncière responsable, l’immobilier que l’on crée est mis au service des personnes qui l’occupent ou du territoire qui l’entoure, pas au service des associés, des actionnaires ou des dirigeants. Nous essayons de prendre le contre-pied de l’immobilier : sur les métropoles, on essaie de libérer l’immobilier et de le rendre moins cher pour des acteurs productifs, culturels ou de l’économie sociale et solidaire. Dans les milieux ruraux, dans les banlieues ou dans les zones délaissées par les investisseurs, on vient à l’inverse y mettre de l’énergie et de l’argent.« 

Le rêve de Bellevilles, mais aussi celui de Plateau Urbain, et celui de tous les acteurs de tiers-lieux qui veulent changer la vie ou transformer le monde, c’est que l’usage du sol, du foncier, des bâtiments, prenne en compte toutes les considérations sociales, environnementales, humaines, territoriales. Loin des seules considérations financières qui sont hélas toujours prioritaires dans notre système économique.

Alors, rêvez bonnes gens. Mais surtout, dans les tiers-lieux ou ailleurs, donnez corps à vos rêves. Et passez à l’action !

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