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MEDIATICO – EDITOS

Vivre par intermittence

Chouette, un anniversaire : un an ! Oui, douze mois, ce 17 mars. Déjà 365 jours de couvre-feux épisodiques, de confinements intermittents et d’injonctions contradictoires. Et comme cadeau, voici donc poindre… un 3ème confinement, ouiiii ! Un an après la déclaration de guerre au Covid et la redécouverte du chant des oiseaux, un an après les applaudissements de 20 heures et la désertification des avenues, l’heure d’un premier bilan a sonné, que j’aurais pu vous proposer sanitaire, économique, politique ou médical. Mais que j’ai voulu avant tout solidaire avec ces acteurs devenus invisibles, qui faisaient hier la richesse de notre vie sociale.

Depuis un an, les cafés, bars et restaurants sont fermés. Leur ouverture éphémère lors du déconfinement a déjà été oubliée, tant ils nous manquent. Et la vente à emporter du midi ne fait pas illusion. Fermés 3 mois au printemps, empêchés par le couvre-feu de 21 heures à l’automne, puis refermés jusqu’au printemps 2021… Ils s’indigent. Ils crient à la diffamation devant l’étude de l’Institut Pasteur qui les juge responsables d’un risque accru de contamination, alors qu’ils sont fermés. Et ils manifestent à leur façon leur exaspération : samedi à Rennes, pour célébrer ce triste premier anniversaire, ils offraient boissons et cafés aux passants de la place des Lices, au nom du collectif « On va tous trinquer ».

Car les syndicats professionnels, désemparés, estiment que 30% des restaurants et 60% des hôtels devraient déposer le bilan cette année, en dépit des aides de l’État. Du coup, le gouvernement se réveille. Cette semaine, trois réunions sont prévues pour évoquer les « conditions de reprise » des établissements fermés… dans l’idéal d’ici au 15 mai. Mais comment ? Progressivement, par catégorie ? En intérieur ou en terrasse ? Avec ou sans « pass sanitaire » ? Celui-ci, voulu par Emmanuel Macron, instaurerait une inégalité de traitement à l’égard des jeunes, pas encore vaccinés. Le casse-tête est entier.

Une année sans culture aussi… Alors que les théâtres, les musées, les opéras sont les lieux publics où le risque de transmission du coronavirus est le plus faible si les consignes sanitaires sont respectées, selon une étude scientifique allemande. Deux fois moins risqués qu’un supermarché. Trois fois moins qu’un train longue distance. Six fois moins qu’un lycée imposant le port du masque. Là aussi, les professionnels donnent de la voix. Comme avec cette mobilisation #OuvrezLesCinemas pour la réouverture des salles, dimanche dernier, deux jours après la cérémonie des Césars.

Ou comme avec l’occupation de 50 lieux culturels en France, dont d’une vingtaine de théâtres, ceux de l’Odéon, de la Colline ou du TNS de Strasbourg, à l’initiative des intermittents du spectacle qui protestent contre la fermeture des lieux de culture et qui réclament leur droit à travailler. Création, partenariats, réservation de salles, report de dates, adaptation au contexte sanitaire, déprogrammation, abattement et difficultés financières incessantes car les aides promises tardent trop à venir… Le spectacle vivant est-il donc promis à mourir ?

Quand la vie sociale et culturelle est étouffée, les artistes, les précaires, les extras, les saisonniers, intérimaires et autres contrats courts sont les premiers frappés. Quand la vie n’est plus vécue que par intermittence, la résistance finit nécessairement par s’organiser. Pas étonnant d’apprendre l’apparition de représentations théâtrales cachées ou l’existence de restaurants clandestins. En attendant le retour à une vie normale. Mais quand ?

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