Candidat à la présidence d’ESS France pour un mandat de trois ans, Benoît Hamon fait du passage à l’échelle de l’économie sociale et solidaire l’axe principal de sa campagne. Interrogé par Mediatico dans « Ess On Air », l’émission qui traite l’actualité au travers de l’économie sociale et solidaire, l’actuel directeur général de l’ONG Singa France et ancien ministre délégué à l’ESS, qui avait porté et fait voter la Loi ESS de 2014, est venu nous dire sa vision et ses propositions pour l’économie sociale et solidaire de demain.
« Le sens de ma candidature à la présidence d’ESS France, c’est de reprendre le fil de l’ambition de faire changer d’échelle l’économie sociale et solidaire », explique-t-il d’entrée de jeu. Certes, tel était déjà l’objectif de la loi de 2014. « Mais il fallait que la volonté politique suive, que l’État se donne les moyens d’accompagner les acteurs qui sont capables d’être coproducteurs de la politique publique. Or, durant cette décennie, l’engagement de l’État a été intermittent, en pointillés », argumente-t-il. Au bout du compte, l’ESS n’est pas passée à l’échelle.
L’ESS trop peu considérée par les pouvoirs publics
Mais ce qui n’est plus possible, c’est le manque de considération pour l’économie sociale et solidaire, « mise de côté, parfois méprisée » par les pouvoirs publics. « Quand on parle de transition écologique, de développement économique, d’entrepreneuriat, de solidarité, de santé, de prise en charge des personnes vulnérables… ESS France est rarement invitée à la table », déplore Benoît Hamon. « Il est temps que les pouvoirs publics hissent leur niveau de réponse à la hauteur de la contribution de l’économie sociale et solidaire à la société. Ce sera ma priorité » !
A l’égard de Jérôme Saddier, président sortant d’ESS France, qui fit jadis partie de son cabinet ministériel, il salue « sa réussite d’être parvenu à réaliser une synthèse entre les différentes branches de l’économie sociale et solidaire, incluant aussi les chambres régionale de l’ESS. Il a aussi réussi à inscrire le développement territorial de l’ESS parmi les priorités d’ESS France ».
Ma vie ne se résume pas à l’engagement partisan
Concernant son engagement politique, plus marqué que celui des autres candidats à ESS France, il répond : « J’ai abandonné l’engagement partisan, mais cela ne veut pas dire que j’ai abandonné une vision politique de l’avenir de notre pays (…) L’économie sociale et solidaire, c’est l’économie la plus politique parce qu’elle revendique que la démocratie a un rôle à jouer dans les entreprises. Son histoire accompagne l’histoire de la gauche, parce que le solidarisme, l’associationisme, le coopérativisme, le mutualisme sont associés à l’essor des idées de gauche au 19e siècle et au 20e siècle (…) Mais ma vie ne se résume pas à l’engagement partisan, vous auriez pu dire aussi que j’ai créé deux entreprises… »
Il poursuit : « Tout le monde fait de la politique dans l’ESS. Nous sommes des organisations non lucratives et démocratiques, ces deux caractéristiques rendent les entreprises de l’ESS à la fois légitimes et pionnières en matière de transition écologique. Or, la démocratie entraîne l’irruption de l’intérêt général dans les entreprises : le capital ne peut pas commander tout seul ». Ainsi donc voit-il dans ESS France, dont il brigue la présidence, « le moyen de traduire cet engagement pour la transition écologique en un agenda concret de transformation de l’ESS et de l’économie toute entière ».
Orpéa, les médias : deux défis à relever parmi d’autres
Pour appuyer son propos, il cite le naufrage des maisons de retraite d’Orpéa, qui appellent à la rescousse deux acteurs, la Maif et la Caisse des Dépôts, pour se reconstituer : « Un acteur privé non lucratif, et l’État », précise Benoît Hamon. « Et bien, je considère que dans le champ de la vulnérabilité des personnes et du soin, une frontière doit être tracée aujourd’hui pour que, lorsqu’une activité met en jeu la dignité des personnes, elle doive être mise à l’abri des convulsions des marchés, des spéculations, des exigences de rendement et de performance des investisseurs privés lucratifs. Ce secteur-là doit relever soit du privé non lucratif, soit du secteur public ».
Autre exemple, celui des médias : « C’est en étant chez Mediatico que j’en parle, précise-t-il, car aujourd’hui, le pluralisme et la qualité de l’information sont des enjeux fondamentaux ». Il soutient la proposition de l’économiste Julia Cagé de créer un statut de Société de média non lucrative. Et il explique : « Si nous développons des médias non lucratifs, nous mettrons les rédactions à l’abri des exigences des propriétaires de médias (…) Si nous voulons changer nos imaginaires de l’entreprise et de la réussite économique, il faut qu’ESS France impulse une stratégie de développement des médias de l’ESS qui montrent les alternatives à l’économie conventionnelle.
Benoit Hamon aborde aussi l’agrément ESUS et le rapport de l’Etat aux associations dans notre émission, mais aussi le monde coopératif, celui des fondations, le nécessaire déverrouillage de la pensée économique dans le monde universitaire, ou encore la parité femmes-hommes dans l’économie sociale et solidaire… Autant d’enjeux à relever par ESS France demain, auxquels il se dit prêt à contribuer activement.
Le conseil d’administration d’ESS France élira son prochain président le 10 avril. Son mandat débutera deux mois plus tard, lors de l’Assemblée générale d’ESS France prévue le 12 juin 2024.
Voir l’interview intégrale : https://youtu.be/a589xrh6jZg