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Contrat d’Engagement Républicain : pourquoi il faut l’abroger !

Êtes-vous engagés ? Assurément. Êtes-vous républicains ? Évidemment. Mais pourquoi faudrait-il signer un contrat pour le faire reconnaître ? C’est ce que le gouvernement exige pourtant de nos associations depuis la création, voilà juste un an, du Contrat d’Engagement Républicain. Obligatoire pour toute demande de subvention publique, pour toute aide à l’emploi associatif ou pour tout prêt de salle municipale (lire Associations Mode d’Emploi), il est largement décrié par les associations. Le Mouvement Associatif, qui vient de faire le point sur un an d’expérimentation, n’appelle rien de moins qu’à son abrogation (lire ici). Car, sous couvert de républicanisme, l’État bâillonne la démocratie.

Petit retour en arrière, en guise d’explication. Début 2021, en plein Covid, la loi « Séparatisme » visant à lutter contre l’islamisme radical et le repli communautaire prévoyait de créer ce contrat d’engagement républicain (lire sur Mediatico). D’emblée, la Ligue des Droits de l’Homme et SOS Racisme s’alarment dans le journal Le Monde, d’autant que les pseudo-associations prônant la radicalité violente peuvent être légalement dissoutes. Le Mouvement Associatif, qui représente avec ses membres plus de 700.000 associations, signe alors sur France Info cette tribune au titre choc : « Associations présumées coupables ». Las !

Bilan au bout d’un an

Aujourd’hui, le Contrat d’Engagement Républicain existe et comprend sept engagements, qui visent à faire respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité humaine, ainsi que les symboles de la République et son caractère laïque. Soit. Mais qui obligent aussi à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Or, c’est là que le bât blesse. En particulier pour les associations écologistes ! « L’analyse des premiers cas d’associations mises en cause pour non-respect du contrat d’engagement républicain interroge », relève en effet le Mouvement associatif :

  • « Annoncé comme un outil de lutte contre le séparatisme, il est surtout utilisé pour limiter la liberté d’expression et d’interpellation des associations »
  • « Soumis à interprétations, ce texte crée une insécurité juridique et financière forte pour les associations et pour leurs partenaires, à commencer par les collectivités »

Des exemples ? En Corrèze, la préfecture aurait refusé les subventions à plusieurs associations en raison de leur appartenance à la « mouvance radicale » de l’« ultragauche ». Cela ferait d’elles des associations ne respectant pas le « contrat d’engagement républicain », selon Mediapart. Déjà, surgit la crainte d’un fichage des dirigeants associatifs.

A Poitiers, la maire Léonore Moncond’huy a été interpelée par le préfet de la Vienne (ex-directeur de campagne d’Emmanuel Macron) pour les subventions accordées à l’association Alternatiba. Ce mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, créé en 2013, regroupe aujourd’hui 130 collectifs locaux… et prône la désobéissance civile non-violente. Impensable pour le préfet !? L’affaire sera tranchée en justice. Le Collectif des Associations Citoyennes a décidé début janvier de soutenir la mairie de Poitiers contre la préfecture, qui demande le remboursement des subventions perçues par Alternatiba.

Autre exemple à Châlon-sur-Saône, où le maire a retiré au Planning familial l’autorisation d’organiser un événement, sur la place de l’Hôtel de Ville, durant la Journée internationale des droits des femmes. Il venait de découvrir l’affiche de l’événement : plusieurs visages de femmes y étaient présentés… dont une voilée, pour illustrer la diversité des femmes accueillies. Accusé de « communautarisme », le Planning familial de Saône-et-Loire a finalement gagné son recours au Tribunal administratif, le maire a dû revenir sur sa décision, indique Chorum. Première victoire associative ! Mais combien d’autres associations vont désormais s’auto-censurer ?

Cas emblématique aussi à Lille, avec la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités, qui fédère 125 associations locales : la préfecture lui reproche d’avoir prêté une salle aux opposants à l’extension de l’aéroport de Lille. « On accueille plusieurs milliers de réunions dans nos locaux chaque année », explique à Reporterre le directeur Xavier Galand, forcément inquiet : 75% de son budget provient de financements publics. Mais il résiste : « Nous poursuivrons en 2023 notre combat pour défendre les libertés associatives, indispensables au fonctionnement de la démocratie, et nous vous invitons à la mobilisation contre toute pression d’où qu’elle vienne », indique le communiqué de la MRES.

Marlène Schiappa invoque un excès de zèle

C’est toute la coopération inter-associative qui pourrait être remise en question, s’alarme le Mouvement Associatif. La MRES a en effet été mise en cause pour l’action d’une structure partenaire. Or, ce principe de responsabilité en cascade est une source d’insécurité extrêmement forte pour les associations. Les Maisons de quartiers, centres sociaux, maisons des associations, tiers lieux, têtes de réseaux… sont autant d’acteurs qui pourraient être attaqués pour non-respect du CER sur la base d’activités de leurs membres !

Hier soir, à Vannes, la Ligue des droits de l’homme organisait un débat justement à la Maison des associations intitulé : « Principe de la république et libertés associatives, la loi les respecte-t-elle ? ». Mediatico a vérifié que la réunion n’avait pas fait l’objet d’une demande d’annulation. Mais, au rythme où vont les choses, cela pourrait finir par arriver.

Face à la polémique, Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire et à la Vie associative, s’est dite « très attachée » au Contrat d’Engagement Républicain. C’est elle, en effet, qui avait parrainé à Beauvais, le 10 janvier 2022, la première signature d’un tel contrat. Samedi, sur France Info, elle a évoqué des « excès de zèle » dans les préfectures et a rappelé que le texte ne devait « pas être instrumentalisé politiquement pour mettre de côté des associations ». Mais d’abrogation, il n’en est pas question.

Pour des Assises nationales de la vie associative

La défiance reste donc entière, car ce texte est une gifle inacceptable : les associations défendent en effet chaque jour les principes républicains, par leur diversité, leur respect de la personne, leur ouverture aux autres et leur action pour le bien commun. « L’économie sociale et solidaire est au cœur du contrat social et de l’engagement républicain », affirmait aussi ESS France à l’issue du dernier Congrès de l’ESS (lire ici). Pour toutes ces raisons, le Contrat d’Engagement Républicain mérite d’être abrogé.

Alors que nous avons fêté voilà peu les 120 ans de la Loi de 1901, « une grande loi de libertés associatives », disait Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif, dans cette longue interview à Mediatico, il est sans doute temps d’exaucer le vœu qu’elle nous avait exprimé : organiser enfin des Assises nationales de la vie associative. « Ce serait les premières depuis 20 ans », rappelait-elle. Autrement dit, depuis bien trop longtemps.


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