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Gouvernement Attal : Quand l’ESS régresse !

Cette fois ça y est, le gouvernement est au complet. Les paroles s’envolent, les écrits restent… et la messe est dite : point de mention de l’économie sociale et solidaire dans les portefeuilles ministériels. Point de vie associative non plus. Aux yeux de Gabriel Attal, que vaut l’engagement de nos 13 millions de bénévoles et de nos 2,6 millions de salariés, qui font vivre 1,5 million de structures associatives, coopératives et de l’économie sociale et solidaire ? Une reconnaissance officielle était attendue. Las.

À cette heure donc, pas un interlocuteur ministériel de premier rang pour l’économie sociale et solidaire. ESS France et le Mouvement Associatif « prennent acte », constatent leur « mise entre parenthèses », attendent de connaître le « sous-titre des portefeuilles » ministériels et « déplorent cette situation ». Selon eux, « cette situation ne rend pas justice à ce que nous représentons en termes de vie démocratique, de réalité économique, de dynamisme territorial, d’utilité écologique et sociale ». 

Le délégué ministériel d’une ministre déléguée… 

Bien sûr, cela changera peut-être. Lors des précédents remaniements, il avait fallu attendre les décrets d’attribution pour apprendre quelle ministre serait chargée de l’ESS ou de la vie associative. Et il avait fallu s’approprier le jargon administratif pour comprendre par quel circuit passerait le pouvoir de décision. Ainsi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avai-il délégué la charge de l’ESS à sa ministre déléguée, Olivia Grégoire. Qui elle-même avait nommé pour s’en occuper un délégué ministériel, Maxime Baduel… dont on pensait qu’il eut pu être “inter-ministériel”. Vous suivez ?

« Historiquement, quand on avait un secrétaire d’Etat ou un délégué à l’ESS, lui était rattachée une délégation à l’ESS, donc une administration pour mettre en œuvre ses décisions ou ses projets, en faisant par exemple naître des textes de loi », explique François Soulage dans la revue RECMA. Quand elle existait – ce qui n’a pas été le cas dans tous les gouvernements – cette délégation à l’ESS a longtemps été “interministérielle”. Notamment en 1998, sous Lionel Jospin, avec son ministre Guy Hascoët et son délégué à l’ESS Hugues Sibille. Ce dernier avait alors des relais à la fois au gouvernement et dans l’administration centrale. 

L’ESS dans les gouvernements antérieurs

En 2014, la délégation n’était plus interministérielle, mais Benoît Hamon s’était appuyé sur une délégation ministérielle ET sur les mouvements de l’économie sociale et solidaire, très largement consultés pour faire naître la loi de 2014 sur l’ESS, dont nous célébrons cette année les 10 ans.

Mais en 2016, Emmanuel Macron a assumé le court-circuitage des corps intermédiaires, tels que les syndicats, les associations ou les différents mouvements représentatifs de la société civile. Depuis l’arrivée d’Edouard Philippe à Matignon et la nomination de Christophe Itier comme Haut-commissaire à l’ESS, Bercy ne compte plus de délégation interministérielle à l’ESS… ni même ministérielle. Tout juste trouve-t-on à Bercy un Bureau de l’ESS, sans administration-relais, sans compétences en termes de création de lois ou de décrets. 

Maxime Baduel invité de Mediatico

Ainsi en va-t-il aujourd’hui pour Maxime Baduel, délégué ministériel à l’ESS selon les termes du décret qui le concerne, alors que rien n’est encore précisé à ce jour pour son ex-ministre de tutelle Olivia Grégoire. Maxime Baduel serait-il donc directement rattaché au ministre de l’Économie ? La confusion mérite d’être levée au plus vite !

« Nous disposons d’un interlocuteur de très grande qualité en la personne du délégué ministériel à l’ESS [Maxime Baduel, ndlr], mais il faut reconnaître que l’action du gouvernement sur nos enjeux est toujours facilitée quand elle est explicite », écrit Le Mouvement Associatif. « Il est impératif que le gouvernement envoie des signaux clairs et décisifs pour témoigner de sa volonté de reconnaître la dynamique citoyenne ». 

Pas de mention de l’ESS ou de la vie associative dans les intitulés ministériels équivaut déjà presque à un effacement. « Cette invisibilisation des secteurs de l’engagement peut facilement être prise comme l’illustration d’une relégation de nos sujets au second plan, à l’heure où nous avons tant besoin de vitalité démocratique », poursuit le Mouvement Associatif. Pour d’aucuns, l’ESS régresse au gouvernement. Maxime Baduel viendra chez Mediatico la semaine prochaine. Invité en plateau dans notre émission ESS On Air, il aura l’occasion de nous apporter des réponses claires.

Logement, Ecologie : « un vrai recul » 

En attendant, les signaux sont aussi décourageants pour l’ESS dans d’autres ministères. Guillaume Kasbarian, porteur d’une loi anti-squatteurs, est le nouveau ministre délégué au Logement. Sa nomination suscite beaucoup d’inquiétudes dans les milieux du logement social et des associations de solidarité.

Quant au super-ministère de l’Écologie, il a fait long feu. Christophe Béchu doit désormais partager ses prérogatives avec Bruno Le Maire. Résultat, l’énergie revient dans le giron de Bercy. Exit donc la programmation énergétique au service de l’enjeu climatique. Dans le projet de loi de programmation énergétique, les objectifs de production d’énergies renouvelables ont disparu. Et les ambitions sur la rénovation thermique des bâtiments sont bien écornées depuis hier. 

« Les ONG sont catastrophées », réagit Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC). « C’est un vrai recul », renchérit Cédric Marteau, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Un sentiment largement partagé à cette heure, dans l’ensemble des champs d’action qui relèvent de l’économie sociale et solidaire.

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