Combien coûte la création d’un tiers-lieu ? Les annonces de Jean Castex en donnent une première idée. En déplacement à Caen le 27 août dernier pour visiter deux espaces de travail collaboratifs, le Premier ministre a annoncé le déblocage par l’Etat de 130 millions d’euros afin de soutenir et développer la filière. « Les tiers-lieux sont le visage de la France qui se réinvente au quotidien », ils sont « une antidote au repli sur soi », a-t-il indiqué, non sans se rappeler l’incroyable mobilisation de multiples micro-usines sur le territoire français aux premières heures de la pandémie, lorsque manquaient masques, blouses et respirateurs artificiels. Des micro-usines qui réinventent la production industrielle en circuit court, voilà qui est dans l’air du temps.
Stratégiques, les tiers-lieux ? La moitié des 130 M€ viendra donc de France Relance, le plan de soutien à l’économie, a dit le Premier ministre. Mais pour financer quoi ? De la formation, du financement des têtes de réseau nationales et territoriales, 3.000 missions de service civique pour les jeunes dans ces espaces qui réinventent le travail et les solidarités, mais aussi et surtout la création de 100 manufactures de proximité, autrement dit des tiers-lieux spécifiquement dédiés à la production comme les fablabs, auxquels sont affectés 30 millions d’euros sur l’enveloppe globale. Le coût de revient d’une manufacture de proximité ressort donc à 300.000 euros. C’est bien, mais c’est peu vu le prix d’achat des matériels de production numérique et le coût du foncier. Cela ne dit rien de la pérennité des projets.
Toutefois, ces 100 manufactures de proximité s’ajoutent à 300 fabriques de territoires, déjà financées par le gouvernement au travers de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et son programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens ». Mediatico avait d’ailleurs invité son directeur lors de son tout dernier événement aux Grands Voisins (à revoir ici). L’accompagnement des pouvoirs publics pour les nouvelles formes de travail (coworking), de production industrielle locale (manufactures de territoire) et d’innovation sociale (tiers-lieux à vocation sociale ou culturelle comme Les Grands Voisins) est donc à saluer.
Il reste à observer comment seront choisies les 100 futures manufactures de proximité, tant dans leur répartition géographique que dans leur secteur d’activité ou leurs interactions territoriales. A juste titre, le gouvernement rappelle les cinq caractéristiques, selon lui, d’un tiers-lieu : un fort ancrage territorial, une communauté d’acteurs engagés, une gouvernance partagée, une hybridation d’activité, une dynamique d’expérimentation et d’innovation. Se cachent, derrière cette définition, les notions de coopération, de démocratie et d’inclusion dans un écosystème territorial plus vaste que le tiers-lieu lui-même.
Voilà qui ressemble à s’y méprendre aux enjeux portés par la relance des PTCE, les Pôles territoriaux de coopération économique, que le gouvernement a aussi décidé de soutenir massivement en lançant un appel à manifestation d’intérêt sur trois ans, suite au rapport élaboré par le Labo de l’ESS. Oui, le gouvernement Castex est un gouvernement pro tiers-lieux. Veillons à ce que l’on intègre dans ce mot-valise qu’est le mot tiers-lieu, selon l’expression de la chercheuse Claire-Anaïs Boulanger, interviewée ici par Mediatico.
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